La prévention : un enjeu négligé dans notre système de santé ?
La prévention : un enjeu négligé dans notre système de santé ?
Un modèle de santé désaxé de la prévention ?
La prévention, définie par l’OMS comme “l’ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps” est devenue un enjeu majeur de nos sociétés, notamment avec le vieillissement de la population. Cependant, les résultats en France restent insuffisants malgré des investissements comparables à ceux de nos voisins. Mais alors, comment expliquer cette disparité dans les résultats ?
Début 2024, à l’Assemblée nationale, le nouveau ministre de la santé Frédéric Valletoux se saisit de cet enjeu crucial qu’est la transformation de la politique de prévention en France. En effet, si l’on se réfère aux rapports de la Cour des comptes, notamment celui de novembre 2021, la France fait figure de mauvais élève, avec des résultats assez médiocres. Mais alors, à quoi cela est-il dû ?
La première chose à noter est que l'investissement alloué à la prévention n'est pas en cause, car il reste similaire à celui de nos pays voisins. Cependant, la traçabilité de ces investissements en prévention de santé apparaît comme moins bien définie en France, notamment en raison d'outils de pilotage peu adaptés. Ces investissements sont répartis entre une pluralité d'acteurs à différentes échelles (Agences Régionales de Santé, Départements, Communes, l’Assurance Maladie), qui ne sont pas suffisamment coordonnés entre eux et opèrent sans une stratégie globale.
La complexité de la coordination des acteurs régionaux et locaux est particulièrement préjudiciable pour certaines pathologies, notamment celles liés au travail. Il est également important de prendre en compte les disparités entre les territoires, l’impact de la densité médicale sur certains d’entre eux influant grandement les actions de prévention en santé, y compris la prévention des chutes chez les personnes âgées.
Inscrite dans la loi en 2002, la politique de prévention en santé, qui doit "s’étendre à toutes les dimensions de l’état sanitaire de la population, qu’elles soient préventives ou curatives", nécessite aujourd’hui une révision pour lui donner une ligne directrice claire. Il est crucial de définir une répartition précise des actions à mener entre les différents acteurs.
L’autre grand facteur est bien sûr la culture curative dominante en France, qui a façonné notre système de santé et, par définition, prend le pas sur la prévention. La construction de notre système de santé autour du soin curatif en est le reflet.
À un niveau plus micro, les entreprises et les individus ne consacrent pas non plus suffisamment de ressources aux actions de prévention en santé. De nombreuses études ont démontré qu’une activité physique régulière apporte de nombreux bénéfices pour la santé, limitant l’apparition et le développement de certaines maladies ou incapacités physiques, ce qui est l’essence même de la prévention en santé. Cette implication leur serait bénéfique, réduisant le nombre d'arrêts de travail.
Enfin, au niveau individuel, il est crucial de développer une approche de prévention par l’implication plutôt que par la responsabilisation ou la culpabilisation, comme c’est souvent le cas aujourd’hui.
Qu’est-ce que la prévention ?
Nous avons évoqué la prévention, mais en réalité, il en existe plusieurs types. L’OMS en distingue trois :
- La prévention primaire : réduire l'incidence des maladies dans une population donnée (par exemple, par la vaccination).
- La prévention secondaire : réduire la prévalence des maladies dans une population donnée par des mesures curatives et thérapeutiques.
- La prévention tertiaire : réduire la prévalence des handicaps et des séquelles dans une population donnée, par exemple grâce à la rééducation fonctionnelle.
Ainsi, pour les personnes autonomes, la prévention est principalement axée sur la promotion d'un mode de vie sain, la prévention de certains troubles chroniques et évolutifs, l'adoption de mesures de sécurité et la sécurisation de l'environnement, ainsi que la vaccination et les actions de dépistage.
Pour les personnes ayant des troubles légers ou une autonomie réduite, l'objectif de la prévention est de ralentir le déclin des pathologies physiques. Il est important de noter que la perte d'autonomie est inévitable avec le vieillissement de la population, ce qui rend primordial la prévention des chutes et d'autres actions favorisant un vieillissement en bonne santé. Cela inclut notamment le maintien d'une activité physique régulière pour le renforcement musculaire. C’est pourquoi de nombreux établissements de santé organisent des séances de gymnastique ou d'autres activités de mobilité douce avec des professionnels pour les résidents d’EHPAD. La prévention des chutes implique des actions spécifiques, comme l'adaptation de l'environnement de vie, notamment le développement d'habitats inclusifs, ainsi que des outils performants de suivi de l'état de santé et de prévention, tels que l’Oreille Augmentée des soignants. Il permet d'anticiper les évolutions de l'état de santé et d'éviter les chutes, et d'intervenir rapidement pour limiter la durée au sol des résidents en cas de chute.
Enfin, il est important de noter les cinq domaines d'actions prioritaires définis par la Charte d'Ottawa en 1986 pour la prévention, établie lors de la première Conférence internationale sur la promotion de la santé :
- L’élaboration de politiques de santé
- La réorientation des services de santé
- La création d’environnements favorables
- L’acquisition d’aptitudes individuelles
- Le renforcement de l’action communautaire
La Charte d'Ottawa met également en avant trois stratégies clés : conférer les moyens, servir de médiateur et promouvoir l’idée. Déjà à cette époque, l'importance des déterminants environnementaux, des conditions de travail et des inégalités sociales était reconnue comme primordiale.
Les bonnes pratiques / actions observées
La prévention par l’éducation aux bonnes pratiques et habitudes de santé, dispensée par les institutions mais également par les pairs, tout en identifiant et en résolvant les facteurs de risque, est essentielle.
Il est crucial d'adopter une conception de la prévention tout au long de la vie, impliquant une participation citoyenne et une appropriation individuelle.
Avec l'évolution de notre système de santé, il est également important de tester et d’adopter de nouvelles approches, telles que la télémédecine et les neurosciences, ainsi que d'anticiper les nouveaux risques liés à la génétique et à l’environnement.
Enfin, il est primordial pour l'État de mieux coordonner ses actions et ses acteurs dans les domaines sanitaire et médico-social, en favorisant une continuité de la prévention et des soins. Cette mission sera probablement de plus en plus confiée aux Agences Régionales de Santé.